En découvrant ces tableaux anciens, la première idée qui vient à l'esprit est qu'ils ont été peints le long des canaux de Bruges ou de Gand.
Et pourtant...c'est bien au coeur du Vieux Bruxelles que l'artiste marollien, Jean-Baptiste Van Moer, pose son chevalet et confie à ses pinceaux le soin de garder en mémoire ces points de vue voués à disparaître.
Et pourtant...c'est bien au coeur du Vieux Bruxelles que l'artiste marollien, Jean-Baptiste Van Moer, pose son chevalet et confie à ses pinceaux le soin de garder en mémoire ces points de vue voués à disparaître.
Nous sommes dans les années 1870, juste avant le voûtement de la Senne et l'aménagement des grands boulevards du centre qui allaient profondément modifier le visage du bas de la ville.
A la demande du Bourgmestre Jules Anspach séduit par son travail, l'artiste réalise une sorte de "reportage pictural" en 15 tableaux représentant les quartiers qui vont être détruits.
Par la suite, Charles Buls (successeur de Jules Anspach) fait racheter la plupart des dessins et aquarelles de l'artiste-peintre qui témoignent du Vieux Bruxelles disparu et ils font toujours partie des collections du "Musée de la Ville" installé dans la "Maison du Roi" en face de l'Hôtel de Ville.
Une ville au fil de l'eau, traversée par un fleuve ou parsemée de canaux, a toujours un supplément d'âme.
Ah si on pouvait encore embarquer sa dulcinée pour une promenade romantique sur la Senne et l'embrasser sous l'un des nombreux ponts qui l'enjambaient...
Qu'il serait doux de flâner le long des quais et de passer d'une rive à l'autre.
On y trouverait aujourd'hui plein de petits bistrots-restos sympas, des tavernes, des estaminets, des cabarets, des ateliers d'artistes, des antiquaires-brocanteurs, des boutiques d'artisans...
On imagine que ces vieux quartiers et ces bras de Senne préservés auraient été, un siècle et demi plus tard, un atout touristique considérable pour Bruxelles.
Oui, mais...
Ne rêvons pas !
Si les peintures de Jean-Baptiste Van Moer semblent évoquer la quiétude d'un monde disparu...
Si on se laisse facilement séduire par le charme suranné de ces vieilles bâtisses imbriquées les unes dans les autres et surplombant la rivière "les pieds dans l'eau"...
Derrière les belles images aux couleurs chaleureuses, se cachait une réalité bien différente et nettement moins "esthétique"...
Au XIXe siècle, la Senne n'était plus qu'un "égout boueux" à ciel ouvert qui dégageait des "parfums" n'incitant pas vraiment à la romance.
Au fil du temps, ces quartiers du bas de la ville étaient devenus un fouillis inextricables de venelles et d'impasses (près de 200) bordées de masures insalubres sans eau courante ni latrines (Une pour 200 habitants)
La misère et l'insécurité y régnaient en maître.
Pire encore, plusieurs épidémies de choléra avaient causé des milliers de victimes dans la population des "bas quartiers".
On voyait couramment le bourgmestre Jules Anspach accompagner les docteurs van Volxem, Max et Feigneaux afin de réconforter les populations décimées par la maladie. Si le bourgmestre ne contracta jamais le mal, par contre, le sergent de ville, attaché à ses pas, en mourut. (Source : Wikipedia).
Le voûtement de la Senne et la destruction de cet enchevêtrement de ruelles et d'impasses s'imposaient comme une "entreprise de salubrité publique" aux yeux des responsables politiques de l'époque.
Aurait-on pu préserver la Senne à ciel ouvert et ses abords en créant, en parallèle, un réseau de grands égouts collecteurs ?
Oui, sans doute et on comptait même quelques ardents partisans de cette option.
Oui, sans doute et on comptait même quelques ardents partisans de cette option.
Mais elle ne servait pas les desseins ambitieux du bourgmestre Jules Anspach et du Roi Léopold II qui n'avaient qu'un rêve en tête : démolir les quartiers miséreux de la ville basse et réaménager complètement le centre de la capitale en créant de grands boulevards, à la manière de Georges Eugène Haussmann...pour "la mettre au niveau des plus belles et des plus saines cités d'Europe" (sic).
Tout un programme...
Jipé
Jean-Baptise Van Moer
De Venise à Bruxelles...
Né en 1819 dans le populaire quartier des "Marolles", Jean-Baptiste Van Moer est un vrai "Ketje de Bruxelles" qui passe toute son enfance dans la rue d'Or. L'atelier de son père, artisan tourneur sur bois, est fréquenté par quelques artistes qui l'incitent à s'inscrire à l'Académie des Beaux-Arts où il suit les cours de François Bossuet.
La vie d'artiste n'est pas facile et il doit attendre l'âge de 36 ans pour voir sa carrière décoller grâce à plusieurs "coups de chance" successifs.
En 1855, repéré par l'Ambassadeur de Belgique en France qui le soutient, il a la chance d'exposer au réputé Salon international de Paris. La Reine Victoria, séduite par la délicatesse minutieuse de ses oeuvres, lui commande plusieurs tableaux. L'intérêt manifesté par la Reine d'Angleterre pour son travail attire d'autres clients fortunés et sa notoriété internationale naissante lui permet de voyager partout en Europe. De retour à Bruxelles après un long séjour à Venise, il ramène dans ses bagages une série de grands tableaux de cette ville magique et c'est le Roi Léopold II qui en fait l'acquisition pour décorer les murs du Palais royal de Laeken.
L'artiste-peintre n'a plus de soucis d'argent, il se fait construire une maison en bordure du Parc Léopold dont tout l'étage est occupé par un grand atelier. (au n° 65 de l'ancienne "rue du Remorqueur" qui porte aujourd'hui son nom).
Il se consacre dorénavant à laisser une mémoire picturale des rues et maisons de sa ville natale.
Après avoir réalisé les tableaux présentés ci-dessus à la demande de Jules Anspach, enthousiasmé par son travail, le bourgmestre lui commande une nouvelle série de peintures du "Nouveau Bruxelles" (Avant - Après) mais l'artiste n'en laissera que les dessins et les esquisses.
Décédé en 1884, Jean-Baptiste Van Moer n'a jamais pas pu terminer le dernier travail entamé.
Musée de la Ville de Bruxelles
Maison du Roi - Grand-Place - 1000 Bruxelles
+32(0)2 279 43 50
Lectures bruxelloises conseillées
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BRUXELLES VUE PAR LES PEINTRES
Une passionnante confrontation entre le regard d'antan du peintre et le regard d'aujourd'hui du photographe qui a réalisé sa prise de vue sous le même angle
Tome 1 publié en 2010
Tome 2 publié en 2011
192 et 176 pages
Prix 24,95 €
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Auteur: Fabien De Roose
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N.B. Nous assurons nos lecteurs que les articles publiés sur le blog "Bruxelles-Bruxellons" sont libres de toute publicité commerciale rémunérée.
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Hello Jipé !
RépondreSupprimerLe retour...
Eh bien, envie d'aller à la Maison du Roi... et de feuilleter ces bouquins. Forcément.
Un massacre quand-même que ces travaux... Gand, Bruges... Annecy (ma ville) ont bien " survécu " à la puanteur et à l'insalubrité, pour être aujourd'hui des joyaux... Quel dommage que la solution massacre ait été retenue !
Un petit articulet sur... le nouveau centre piétonnier #$@grrrrr§! ???...
Hello Lydie !
SupprimerC'était quand Bruxelles rêvait de ressembler à Paris (l'architecture haussmannienne). Sauf que Paris a gardé la Seine alors que Bruxelles a enterré sa Senne (Il ne nous reste qu'un canal où le ciel s'est perdu). Et pourtant, à l'origine, c'était bien une "ville d'eau", construite sur l'eau et nous avions même une île (mais sans Notre-Dame). En fait il y a eu trois "massacres" successifs :
1/ Le voûtement de la Senne et la création des grands boulevards
2/ La liaison ferroviaire Nord-Midi qui a déchiré la ville de part en part pour créer la gare centrale en détruisant à la fois l'ancienne gare du Nord et l'ancienne gare du midi pour les remplacer par des horreurs architecturales
3/ La "Bruxellisation" (que l'on doit en partie à l'Exposition universelle de 1958) au profit de promoteurs immobiliers sans scrupules et d'architectes bien mal inspirés qui avaient brossé leurs cours d'histoire de l'art et ignoraient la signification du mot "urbanisme", avec la complicité d'un monde politique qui, sous prétexte de modernisation, voyait l'avenir uniquement du haut d'un building...
Ce cocktail explosif a non seulement fait disparaître une part du patrimoine architectural mais surtout, en faisant fuir la bourgeoisie et le commerce de luxe, il a ramené la ville basse à l'était de délabrement et de paupérisation qui existait avant le voûtement de la Senne (Le choléra en moins)
Ce sont toutes ces cicatrices que l'on tente d'atténuer par le nouveau centre piétonnier mais ce n'est qu'un sérum revitalisant...alors qu'il faudrait une opération de chirurgie esthétique.
Belle et chaude journée