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BRUXELLES D'ANTAN, D'AUJOURD'HUI ET DE DEMAIN
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samedi 18 avril 2015

Château Malou - Une histoire tumultueuse

Château Malou - Woluwe-Saint-Lambert - Une histoire tumultueuse - Du haut de ces fenêtres, deux siècles vous contemplent - Bruxelles-Bruxellons

Château Malou - Woluwe-Saint-Lambert - Une histoire tumultueuse - Du haut de ces fenêtres, deux siècles vous contemplent - Bruxelles-Bruxellons


Du haut de ces fenêtres, plus de  deux siècles  vous contemplent…

En passant par le boulevard de la Woluwe, au pied du Château Malou et de son parc de 8 ha, peut-on s’imaginer toutes les histoires et les tranches de vie qui se cachent derrière cette jolie façade néo-classique...

Notre histoire commence au début du XVIIe siècle.

Albert Preudhomme est l'heureux propriétaire d’un domaine rural comportant une demeure de plaisance entourée d’un vaste parc et d’étangs en bordure de la vallée de la Woluwe (au confluent de la Woluwe et du Struybeek). A l'époque, la propriété est bien plus vaste et s'étend jusqu'à l'actuel stade Fallon.

1654 - 1774
Suite aux déboires financiers du maître des lieux, la propriété est saisie par le "Mont de Piété" pour payer les dettes et rapidement revendue aux Jésuites (1654)  qui la transforment en maison de retraite campagnarde connue sous le nom de « Het Speelgoet ».

1774 - 1830
Le domaine reste dans leurs mains plus d’un siècle mais une décision historique venant du Saint-Siège de  Rome vient changer sa destinée.
L'influence grandissante des Jésuites qui exercent un véritable contre-pouvoir au sein de l'église catholique romaine inquiète pas mal de monde et suscite des jalousies. Le 8 juin 1773, le pape Clément XIV, nouvellement élu et mis sous pression, prononce la dissolution pure et simple de la Compagnie de Jésus avec, pour corollaire, la mise en vente publique de leurs biens.
C'est un banquier limbourgeois au nom prédestiné, Lambert de Lamberts qui en fait l'acquisition en 1774: il rase le bâtiment existant devenu vétuste et fait construire la vaste demeure classique de style Louis XVI que l’on connaît aujourd’hui.
La propriété se repasse ensuite de mains en mains.
Transmise d'abord aux héritiers du banquier, puis revendue à un propriétaire foncier Charles-Louis Kessel, elle  finit dans les mains de  Pierre van Gobbelschroy, un homme politique influent,  nommé au poste de  "Ministre de l'intérieur" par Guillaume 1er en 1825 (à l’époque dite "orangiste" où les provinces belges étaient rattachées au Pays-Bas).

Château Malou - Woluwe-Saint-Lambert - Une histoire tumultueuse - Du haut de ces fenêtres, deux siècles vous contemplent - Bruxelles-Bruxellons

1830 - 1850
Devenu "persona non grata" à l’indépendance de la Belgique, il  doit  se résoudre à abandonner la vie politique.
Il se console auprès de sa belle compagne, Marie Lesueur, une célèbre danseuse étoile d’origine française qui a fait carrière à Bruxelles (voir ci-dessous) avec laquelle il coule des jours heureux dans sa magnifique propriété.
Les tourtereaux ne vivent pas que d'amour et d'eau fraîche...année après année, ils consacrent l'essentiel de leur temps libre à embellir leur cocon et le parc de 8 ha qui l'entoure.
Après avoir englouti la plus grande part de sa fortune dans des fabriques de bougies de France et de Belgique qui se révèlent être de bien piètres investissements, Pierre Van Gobbelschroy est confronté à de graves soucis financiers qui finiront par le conduire au suicide en 1850.

1850 - 1950
Suite à ce tragique événement, sa compagne est contrainte de céder le domaine au Notaire Van Keerbergen qui le revend deux ans plus tard à Jules Malou, personnalité marquante de la vie politique et financière belge (voir ci-dessous). Il y vit jusqu'à son décès (1886).
Suivant un "échange de bon procédé" classique de l'époque, la haute bourgeoisie se lie à l'aristocratie: le Baron Alfred d'Huart épouse l'une des filles de Jules Malou qui, dans sa dot, reçoit le "château" en héritage.
Leurs descendants conservent la propriété jusqu'en 1950, date à laquelle la commune de Woluwe-Saint-Lambert en devient propriétaire...après plusieurs siècles d’histoires tumultueuses.



Vingt ans après l'acquisition (au début des années 70) une première phase de travaux structurels importants est réalisée pour assurer la bonne conservation du bien. En février 2008, le conseil communal de Woluwe-Saint-Lambert décide de lancer une seconde phase de rénovation, tant sur le plan du bâtiment lui-même (façade – châssis – isolation de la toiture) que sur le plan de l’aménagement intérieur et des équipements.
Un double objectif est poursuivi : préserver l’authenticité de ce joyau du patrimoine architectural de la commune et permettre une utilisation optimale et performante de ce site exceptionnel (d’avantages de manifestations culturelles, des colloques, séminaires & réceptions tenus simultanément). Les travaux prévus sont exécutés en 2009.



Château Malou - Woluwe-Saint-Lambert - Une histoire tumultueuse - Du haut de ces fenêtres, deux siècles vous contemplent - Marie Lesueur (danseuse au Théâtre Royal de la Monnaie) et Pierre van Gobbelschroy (Ministre de l'Intétérieur de Guillaume 1er) - Tableau de Jacques-Louis David (1824 - Musées Royaux des Beaux-Arts) - Bruxelles-Bruxellons

Marie Lesueur (1799-1890)

Une histoire qui a bien commencé... 
Après un début de carrière très prometteuse à Marseille, la jeune danseuse d'origine française s'établit à Bruxelles en 1819. Elle n'a que 20 ans lorsqu'elle rejoint la troupe de ballet de Jean-Antoine Petipas. Elle  reçoit aussitôt  un accueil  chaleureux et enthousiaste de la part du public du Théâtre Royal de la Monnaie. Cinq ans plus tard, auréolée de ses succès , elle sert même de modèle au célèbre peintre David pour représenter Vénus dans son tableau "Mars désarmé par Vénus" (cette oeuvre de 1824 est visible aux Musées royaux des Beaux-Arts à Bruxelles). 
Deux ans plus tard, des problèmes de santé l'obligent à mettre progressivement fin à sa carrière et elle se retire avec son protecteur, Pierre Van Gobbelschroy, dans la propriété de Woluwe-Saint-Lambert qu'il vient d'acquérir.

Mais qui s'est mal terminée... 
Après le suicide de son compagnon suite à des revers de fortune (1850), la propriété doit être vendue. Marie Lesueur, se consacre dorénavant aux œuvres de charité et finit sa vie dans une petite maison de la rue Keyenveld à Ixelles (derrière la Porte de Namur).
Elle y décède à 90 ans (le 6 avril 1890) dans le plus grand dénuement.

Petite parenthèse anecdotique : 
Curieux "croisement de destinées"...
39 ans plus tard, c'est dans cette même rue Keyenveld, où la danseuse Marie Lesueur est décédée, que naît la future grande actrice Audrey Hepburn, (au n° 48, le 4 mai 1929). Dès l'âge de 5 ans, la petite fille est prise de passion pour la danse classique. Fuyant l'occupation allemande en 1940 et réfugiée en Angleterre avec sa mère , elle poursuit une formation de ballerine à Londres après la fin du conflit mondial. Contrairement à Marie Lesueur, à cause de sa trop grande taille et des privations de la guerre qui ont altéré sa condition physique, elle doit renoncer à une carrière de danseuse étoile mais séduira bien vite le monde du cinéma. En 1957, Audrey Hepburn danse avec Fred Astaire dans la comédie musicale "Drôle de frimousse".


Château Malou - Woluwe-Saint-Lambert - Une histoire tumultueuse - Du haut de ces fenêtres, deux siècles vous contemplent -  Jules Malou (1810 - 1886) - "Sacré bonhomme ce Jules" - Bruxelles-Bruxellons

Jules Malou (1810-1886)
Sacré bonhomme, ce Jules !

C'était au temps où nous avions encore de grands hommes d'Etat...
Issu d'une famille de riches négociants français installés à Ypres, il fait ses études à l'université de Liège avant d'entamer une fulgurante ascension: élu député dans l'arrondissement électoral d'Ypres à 31 ans (1841), il devient ensuite gouverneur de la province d'Anvers  (1844-1845) puis ministre des finances à 35 ans (1845-1847).
En deux ans à peine, il va rentrer dans l'histoire en créant la Cour des Comptes (dont le rôle reste déterminant aujourd'hui) et en faisant voter une loi fondamentale sur le contrôle de la comptabilité générale de l'Etat.
(Tiens, tiens, tiens...la nécessité de mieux contrôler les finances publiques, n'est-ce pas un "truc" qui est toujours d'une brûlante actualité ?)
Appelé ensuite au chevet de la Société Générale pour redresser une situation périlleuse, il en devient le directeur général puis le vice-gouverneur (de 1849 à 1871).
S'il est considéré par ses pairs (les "catholiques") comme un humaniste accompli, ses adversaires (les "libéraux) le présentent  comme un politicien redoutable, un homme d'affaires impitoyable...on le dit même un tantinet "retors"...
Jules Malou est surtout un homme habile et très compétent, aussi à l'aise dans les arcanes du monde politique que dans les rouages de la haute finance. Maîtrisant l'art du débat, polémiste aguerri  et très présent dans les médias (il a même possédé un temps son propre journal), il est aussi "poète à ses heures perdues" et passionné d'agronomie.
En 1853, quatre ans après avoir accédé à la direction de la Société Générale, Jules Malou rachète la propriété  qui porte aujourd'hui son nom. 
Elle est encore située en pleine campagne. Le développement urbain de Woluwe-Saint-Lambert ne commencera que cinq décennies plus tard avec la création de l'avenue Georges-Henri reliant la rue de Linthout au hameau de Roodebeek (ouverture à la circulation en 1902).
A 61 ans, il revient sur le devant de la scène politique, de 1871 à 1878, dans le gouvernement "de Theux-Malou" d'abord comme "premier ministre faisant fonction" puis "en titre" à la mort du Comte de Theux (1874).
Rappelé une dernière fois au pouvoir 6 ans plus tard, suite à la chute du cabinet "Frère-Orban" (1884), il n'y reste que quelques mois. Par solidarité, il démissionne en même temps que les ministres Charles Woeste et Victor Jacobs, révoqués par le Roi. 
Jamais à court d'idées et d'énergie, cette courte période lui suffit pour lancer le projet d'une grande réforme de la loi sur l'enseignement primaire.
Deux ans après ce "baroud d'honneur", âgé de 76 ans,  il décède au Château Malou des suites d'une congestion cérébrale (1886).
La fin d'un parcours de vie inséré dans le XIXe siècle : une vie dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle fut plutôt bien remplie.

Sacré bonhomme, ce Jules !
Jipé


Château Malou - Woluwe-Saint-Lambert - Une histoire tumultueuse - Du haut de ces fenêtres, deux siècles vous contemplent - Bruxelles-Bruxellons


Château Malou - Woluwe-Saint-Lambert - Une histoire tumultueuse - Bruxelles-Bruxellons